Saadia Ashraf, pionnière au sein du personnel d’entraîneurs du Canada
Première joueuse de l’Équipe nationale à se joindre au groupe d’entraîneurs
Photo : WWC 2017 Finlande
par Ameeta Vohra
Bien qu’Équipe Canada sera de retour sur le terrain devant les siens à la fin du mois de juin afin de participer au Championnat du monde féminin de la Fédération internationale de football américain (IFAF) 2017, elle est déjà entrée dans l’histoire en dehors du terrain.
Saadia Ashraf a été nommée au poste d’entraîneur des quarts de l’équipe, ce qui est inédit puisqu’elle est la première ancienne joueuse du programme de l’Équipe nationale à se joindre au personnel d’entraîneurs dans un rôle à temps plein. Ashraf marche ainsi dans les traces de Tannis Wilson qui a été entraîneur de ligne défensive de l’équipe lors de la première édition du Championnat du monde féminin en 2010.
Consciente qu’elle est une pionnière et qu’elle ouvre la voie à l’embauche d’autres femmes au sein du groupe d’entraîneurs de l’équipe nationale, Ashraf reste humble, mais elle apprécie au plus haut point cette réalisation importante qui jalonne sa carrière.
« C’est difficile de trouver les mots pour décrire ce que ça signifie », dit-elle de son embauche au sein du personnel d’entraîneurs de l’équipe nationale. « D’abord et avant tout, c’était un grand honneur d’avoir été choisie ».
« Je pense que c’est important, quelque chose de marquant… C’est plus qu’être simplement mentor-entraîneur », note-t-elle, faisant allusion au fait que Shirley Benson et Cheryl O’Leary sont devenues les premières femmes à rejoindre le personnel d’entraîneurs en 2013 en tant que mentors. « Ça fait plaisir de voir qu’ils avaient assez confiance en moi pour me choisir. »
Ashraf s’amène en poste forte d’une longue expérience en la matière. Elle a d’abord joué au touch-football pendant qu’elle étudiait à l’école secondaire, et ensuite au Cégep. En 2000, celle qui est devenue une légende au poste de quart s’est retrouvée dans l’univers de la Women’s Professional Football League (WPFL).
« Nous étions un groupe d’environ huit personnes de Montréal qui se rendaient à Rochester pour jouer avec une équipe qui s’appelait le Galaxy de Rochester », raconte-t-elle à propos de la ligue professionnelle féminine qui avait alors été mise sur pied aux États-Unis. « Il fallait voyager et nous essayions de participer au plus grand nombre possible d’entraînements.
« Quand l’école recommençait pour moi, étant donné que j’étais enseignante, nous y allions une fois par semaine et la saison se déroulait à l’automne. Nous faisions quand même le voyage, les huit, et nous nous rendions là-bas pour jouer. Pour moi, c’était l’étape logique à suivre parce que je voulais m’améliorer et devenir une joueuse de football plus complète. »
Après avoir commencé à jouer au football, Ashraf n’a jamais plus regardé derrière, alors qu’elle a rejoint le Blitz de Montréal au début des années 2000. Elle a mené le Blitz à trois conquêtes du championnat de l’Independent Women’s Football League (IWFL), en 2008, 2010 et 2012. De 2010 à 2012, Ashraf a aidé le Blitz à connaître des saisons consécutives sans défaite. Au bout du compte, elle a été à la barre d’une équipe qui a présenté une fiche de 36-4 de 2008 à 2012.
Toujours au poste de quart, elle a par ailleurs mené Équipe Québec à la conquête de médailles d’or (2012) et d’argent (2013) aux Championnats canadiens féminins. Ashraf a également aidé Équipe Canada à décrocher deux médailles d’argent (2010, 2013) à l’occasion des deux premières présentations du Championnat du monde féminin de l’IFAF.
De joueuse à entraîneure
En 2015, Ashraf a délaissé son poste de quart partant pour devenir entraîneure avec le Blitz. À l’heure actuelle, elle dirige l’attaque de l’équipe et agit aussi comme présidente.
L’équipe nationale a dit être heureuse de voir une première ancienne joueuse devenir entraîneure.
« Ses antécédents, autant comme joueuse qu’entraîneure, sont impressionnants – 14 années comme quart au football américain, qui comprennent deux championnats du monde », raconte l’entraîneur-chef du Canada, Jeff Yausie, d’Ashraf. « C’est une passionnée de football et on la respecte partout au pays, ce qui lui permettra de bien faire son travail afin de préparer nos quarts en vue des défis à venir. »
Yausie a intégré Ashraf à son groupe d’entraîneurs en raison des qualités uniques qu’elle a et de l’impact qu’elle aura sur les joueuses qui s’apprêtent à disputer le Championnat du monde en sol canadien.
« La position de quart en est une où le talent ne fait pas foi de tout », fait remarquer Yausie. « Une entraîneure aguerrie comme Saadia sera en mesure d’aider nos joueuses aux chapitres des impondérables qu’un quart doit maîtriser, comme le sens du leadership, la modestie, la force mentale et la capacité de rester calme sous pression. »
En tant que femme entraîneure, Ashraf comprend bien les défis que les joueuses doivent affronter.
« Les femmes ont un petit désavantage… parce que d’habitude, elles commencent (à jouer) plus tard et je pense que parfois, c’est quelque chose que les entraîneurs ne comprennent pas », dit-elle.
Dans la plupart des cas, les joueuses sont dirigées par des entraîneurs masculins dont l’expérience en tant que joueur et entraîneur provient du vécu qu’ils ont emmagasiné dans les rangs mineurs, à l’école secondaire ou à l’université, voire dans les rangs professionnels.
« Je pense qu’ils oublient parfois, en tant qu’entraîneurs, c’est que bien souvent (les joueuses) n’ont pas joué depuis aussi longtemps qu’eux. Nous n’avons pas autant de vécu qu’eux à un haut niveau », explique-t-elle.
« En tant que joueuses, nous avons aussi un défi à relever physiquement, afin d’apprendre des choses comme la façon de plaquer, et même comment porter le ballon, qui diffère des autres sports. Il faut un certain temps avant de s’ajuster. L’approche chez les garçons se fait en fonction du fait qu’ils ont des qualités athlétiques de haut niveau, mais il faut se rappeler qu’il faut diriger (les femmes) d’une façon un peu différente. Les entraîneurs doivent changer de mentalité un petit peu. »
Bien qu’elle ait plus de 20 ans d’expérience comme entraîneuse au flag-football, Ashraf se demande parfois si on la prend vraiment au sérieux dans le rôle d’entraîneuse au football avec contact. Ça ne l’a toutefois pas empêchée de travailler avec confiance, qualité qui lui a permis de connaître du succès.
« En ce qui a trait au football avec contact, c’est un des plus grands défis que je dois relever sur le plan mental, émotif ou psychologique » poursuit-elle. « En même temps, je dois réaliser que j’ai besoin d’avoir confiance en mes capacités, et confiance en mes connaissances, pour être en mesure de transmettre mon savoir à l’équipe dans le rôle d’entraîneure. »
« Si j’ai quelque chose à dire, je vais le dire. Je ne peux pas rester silencieuse à cet égard. Je pense que c’est là un des défis que toutes les entraîneures doivent relever lorsqu’elles se retrouvent dans un nouvel environnement, parce qu’elles estiment être entourées par des gens qui ont plus d’expérience qu’elles. »
En quête de succès
Considérée comme une pionnière, une bâtisseuse et un modèle à suivre, Ashraf reçoit les louanges avec modestie. Malgré tout, elle ne craint pas de viser très haut quand vient le temps d’établir ses objectifs.
« Si je me suis impliquée au sein de la direction avec le Blitz, c’est parce que je veux voir des femmes jouer au football; c’est un sport d’équipe fantastique », souligne-t-elle. « Je pense que ça apporte beaucoup dans la vie de quelqu’un, surtout dans la vie des femmes. »
« Il en faut pour tous les goûts, pour tous les types de corps et tout le monde peut avoir sa place dans une équipe de football. C’est un contexte qui permet à 11 ou 12 personnes de faire une seule et même chose en même temps, avec une stratégie qui est derrière ça, ce qui est quelque chose qui ne cesse jamais de m’impressionner. Mon objectif, c’est que jouer au football soit une possibilité à long terme pour les femmes, et aussi que tout le monde veuille s’impliquer. Si je peux donner mon petit coup de pouce à ce titre, c’est tant mieux. »
Dans son nouveau rôle, Ashraf espère tout particulièrement inspirer d’autres femmes à faire le saut pour devenir entraîneures.
« Je trouve que c’est important et j’espère que ça deviendra une tendance, au point où non seulement avons-nous besoin de voir davantage d’entraîneures diriger des femmes, mais où nous pourrions voir un jour des femmes diriger des joueurs si elles ont les qualifications requises », a-t-elle avancé. « En espérant que ça ouvrira des portes et que ça amènera des femmes à réaliser que c’est possibilité qu’elles peuvent envisager, pour diriger des femmes ou des hommes ».
« Ça se résume aux connaissances du football et au savoir que tu peux partager avec une équipe. »
Lorsque le Canada disputera le match d’ouverture du Championnat du monde, le 24 juin, le pays-hôte affrontera une équipe néophyte à ce tournoi, l’Australie. Cette formation est dirigée par Dr. Jen Welter, une autre pionnière chez les entraîneures qui a déjà joué au Championnat mondial. Ashraf et elle formeront alors un duo inspirant, qui risque d’ouvrir la voie à d’autres entraîneures dans le futur.
À propos de l’auteur
Ameeta est une journaliste pigiste de sport et d’actualité basée à Halifax. Au cours de sa carrière, elle a couvert plusieurs événements sportifs, notamment les Jeux olympiques de Rio 2016, la Coupe Vanier, l’Uteck Bowl, la Coupe Football Canada, le Repêchage de la LCF et la Journée d’enrôlement de la NCAA. Suivez-la sur Twitter @vohra_ameeta
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